Il est le principal rival du président afghan Hamid Karzaï pour le scrutin qui se tient le 20 août. Celui qui, à défaut de l’emporter, peut contraindre le chef de l’Etat au second tour. Reportage en campagne avec Abdullah Abdullah, héritier du "Lion du Panshir" Ahmed Chah Massoud dont il fut un proche conseiller.
Le bruyant petit avion russe du candidat Abdullah Abdullah vient d’atterrir à Kandahar. L’équipe de sécurité de cet ancien conseiller du commandant Massoud, dont deux membres de l’équipe de campagne ont été abattus fin juillet par les talibans, est sur le qui-vive : chacun charge son arme avant de traverser le tarmac au pas de course.
Alors que son convoi quitte l’aéroport à toute allure en zigzaguant pour éviter qu’une voiture piégée n’arrête sa course, Abdullah se met debout pour saluer les Afghans placés le long de la route. Tadjik par sa mère et pachtoun par son père, l’ancien ministre des Affaires étrangères du président Hamid Karzaï, et aujourd’hui son principal opposant, rejoint quelque 3000 supporters au cœur de la grande ville du sud. En plein fief pachtoun, celui des talibans. Karzaï lui-même, pourtant originaire de Kandahar, ne s’est rendu en campagne dans sa ville natale que dans une propriété du gouvernement et devant quelques centaines de personnes.
"Hamid Karzaï agit comme un chef de guerre"
En prenant place à la tribune, malgré la chaleur intenable, Abdullah Abdullah revêt le turban traditionnel, le temps de son discours. L’assistance est en majorité pachtoune. "Cette fois, l’élection ne sera pas uniquement fondée sur l’ethnie ; cela prouve la maturité des Afghans", veut croire Homayoun Shah Assefy, candidat à la vice-présidence sur le "ticket" Abdullah. Selon lui, les Pachtouns ne veulent plus de Karzaï: "Il agit comme un chef de guerre, pas comme un chef d’Etat."
Personne, pourtant, ne croit vraiment à la victoire. Abdul Wajid, 75 ans, est "sûr à cent pour cent qu’il y aura de la fraude, sinon Abdullah gagnerait". "Que peut-on attendre de Karzaï ? Cela fait huit ans que rien ne change", s’agace Mohamad, un commerçant. Dans la tente où les femmes sont installées séparément, Fatima, une veuve de 45 ans, relève sa burqa et lance: "Je suis là pour soutenir Abdullah et je n’ai pas peur d’aller voter!" Malalai, mère de huit enfants, prévoit que "ceux qui obtiennent de l’argent de Karzaï vont voter pour lui, pas les autres".
Pas de meeting en plein air pour des raisons de sécurité
De nombreux habitants de la région n’ont pas pu se rendre à Kandahar pour soutenir Abdullah : les menaces des talibans les en ont dissuadés. Pour des raisons de sécurité, il n’était par ailleurs pas question d’organiser un meeting en plein air ni de rendre l’heure et le lieu publics…
Le lendemain, jeudi, une tout autre ambiance attend le candidat Abdullah Abdullah à Mazar-e-Sharif, son fief dans le nord du pays. A peine arrivé en ville, le convoi ne peut plus avancer : ils sont des dizaines de milliers à accueillir "leur" candidat aux cris de "Zendaba Dr Abdullah!" ("Vive le Dr Abdullah!"). Les jeunes courent et s’égosillent en brandissant des bannières à son effigie et à celle du gouverneur de la province. "La campagne n’est pas terminée! N’écoutez pas ce que l’on vous dit ! Nous sommes proches de la victoire!", leur lance Abdullah Abdullah au pied de l’imposante mosquée devant laquelle il prend la parole.
Pour gagner dès le 20 août, Hamid Karzaï doit obtenir au moins 50% des votes. Un sondage publié par un institut américain donnait cette semaine 45% des suffrages à Karzaï, 25 % à Abdullah. Les proches de ce dernier ont déjà pris les paris: "Il y aura un second tour." (Le JDD, samedi 15 août 2009)
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